1959 Citroen 2cv AZL 2 cylindres 424 cm3

2018 Gaëtan Lamarque &  Drive-My

Dans la longue généalogie de la 2 CV, l’AZL est la première version à jouer quelque peu la carte du luxe. Davantage de couleurs disponibles, capote coordonnée à la teinte de la carrosserie, nombreuses baguettes chromées et habitacle plus cossu : elle tente de transformer une auto jusque-là purement utilitaire et très largement rurale en une seconde voiture potentielle pour les urbains dont les moyens financiers augmentent. Nous en avons déniché un exemplaire superbement restauré. Texte Gaëtan Lamarque et stéphane Guitard – Photos Gaëtan Lamarque


LA PREMIERE 2 CV DES VILLES ?


 1959 Citroen 2cv AZL

 

1959 Citroen 2cv AZL front view


Lorsqu’elle est lancée, en 1948, la 2 CV Type A est une auto ultrabasique : moteur de 375 cm3 développant la bagatelle de… 9 ch, habitacle et planche de bord dépouillés, un seul feu arrière et une carrosserie à la tôle fine comme du papier à cigarette et à la couleur unique ne comportant pas le moindre enjoliveur. Rien de plus normal pour une auto dont Pierre Boulanger, patron de Citroën à l’époque de son étude dans les années 30, disait simplement qu’elle devrait pouvoir « transporter deux cultivateurs en sabots, 50 kg de pommes de terre ou un tonnelet à la vitesse maxi de 60 km/h pour une consommation de trois litres d’essence aux 100 ».

Toujours à la tête de la marque aux chevrons après la guerre, Boulanger rappellera à ses ingénieurs qui finalisent alors l’auto les préceptes de la future 2 CV : « Ce véhicule doit pouvoir passer dans les plus mauvais chemins, il doit être suffisamment léger pour être manié sans problème par une conductrice débutante. Son confort doit être irréprochable car les paniers d’œufs transportés à l’arrière doivent arriver intacts malgré les ornières. Enfin, je précise que son esthétique m’importe peu. » La 2 CV restera donc en l’état durant cinq ans et ses débuts seront plutôt décevants.

Mais est-ce vraiment étonnant ? Si l’on excepte un premier lifting de calandre en mars 1953 (l’abandon du cerclage autour des chevrons) qui fut accompagné de quelques modifications d’habitacle, la première véritable évolution arrive en septembre 1954, lorsque Citroën propose enfin un second moteur plus performant. Rien d’exceptionnel, mais avec un bloc de 425 cm3 (obtenus par augmentation de l’alésage à 66 mm contre 62 précédemment) développant désormais 12 ch à 4 000 tr/mn (soit 30 % de puissance en plus), la 2 CV, qui prend la dénomination de AZ, offre enfin des prestations en phase avec son positionnement commercial.

Extérieurement, rien ne la distingue de la Type A qui continue sa carrière en parallèle. Sous le capot, le nouveau moteur se reconnaît à son ventilateur à six pales et au tambour aileté de l’embrayage centrifuge, autre nouveauté importante qui permet de ne pas avoir à débrayer en dessous de 1 000 tr/mn. Dès janvier 1955, l’AZ, tout comme la Type A, se voit équipée d’un deuxième feu à l’arrière, mais seul celui situé à gauche fait office de stop. Sur les custodes, on note l’apparition de clignotants Labinal abritant également les feux de position.

Cette nouveauté implique l’adoption d’une platine enserrant le tableau de bord et qui supporte la commande des feux de position et des clignotants. A partir d’avril, le compteur de vitesse dispose d’un éclairage… plus symbolique que vraiment efficace. En décembre 1955, le 425 cm3 reçoit des pistons bombés faisant grimper son taux de compression à 7:1. Ce sera la seule évolution mécanique durant un bon moment. En décembre 1956, une nouvelle version fait son entrée : l’AZL, la dernière lettre signifiant “Luxe” puisque les principales modifications sont d’ordre esthétique.

Parmi celles-ci, la plus notable est sans nul doute l’agrandissement sensible de la lunette arrière, donnant une meilleure visibilité en manœuvre en même temps qu’un peu plus de lumière dans l’habitacle. Pour le reste, on est plus dans la cosmétique de “détail”, à l’image des baguettes en aluminium poli qui ornent l’arête centrale du capot moteur, le haut des portières et les ailes arrière ou encore les bas de caisse. Mais il faut reconnaître qu’avec la possibilité désormais laissée aux propriétaires de choisir parmi plusieurs teintes de capote (gris, bordeaux, vert ou bleu foncé), la petite Citroën s’embourgeoise un peu.

A l’intérieur, le tissu des sièges est assorti à la capote et, pour la première fois, on a droit à un dégivrage à air chaud pour le pare-brise. Autre remaniement moins visible : en janvier 1957, les feux arrière accueillent des modèles de marque Sima ou Axo Scintex. Mais il faut des yeux d’expert pour voir qu’ils ont une crête moins prononcée.

En 1958, petite révolution : la 2 CV AZLP offre une vraie porte de malle AR. Jusque-là, seuls les accessoiristes la proposaient. Bien que l’auto présentée ici soit une AZL, elle en est dotée. L’explication est simple : lorsque François a restauré l’auto, la capote était tellement abîmée qu’elle était irrécupérable. Au moment de la remplacer, il a choisi, comme de nombreux possesseurs d’AZL, d’installer une capote courte ainsi qu’une porte de coffre.


 1959 Citroen 2cv AZL

 

L’AZL se démarque de l’AZ par ses nombreuses baguettes en alu poli (arête de capot, portes, bas de caisse) et, en option, sa capote assortie à la couleur de la caisse.


 1959 Citroen 2cv AZL side view

 

Attitude caractéristique de la 2 CV : l’arrière très en hauteur !


François Bayart et sa Citroën 2 CV AZL de 1959

UN RETOUR  AUX SOURCES

Fr ançois Bayart est un collectionneur passionné et averti de longue date. Jeune adolescent, il se procurait audacieusement les onéreuses miniatures Dinky Toys qu’il arrivait à négocier en lots à des tarifs intéressants. Il revendait alors les autos qu’il possédait en double afin d’en rechercher d’autres, souvent des exemplaires devenus rares de nos jours… Il a également été marqué par la 2 CV AZ familiale dans laquelle il partait en vacances avec ses parents et les splendides jouets Citroën qu’il avait le droit de manipuler avec précaution, le dimanche, chez le grand-père de son cousin Emmanuel. Dès lors, on comprend mieux cet engouement pour l’automobile ancienne qui le suivra toute sa vie.

Négociant dans le secteur de l’immobilier, François s’offrira notamment une splendide 4 CV “6 moustaches” de 1952 équipée d’une préparation intégrale Autobleu d’époque pour courir sur le mythique circuit du Mans. Mais c’est à la retraite que notre collectionneur se met en quête d’une belle 2 CV à capot ondulé lui rappelant celle qui l’emmenait vers la plage et le soleil lorsqu’il était en culotte courte. C’est en juillet 2017 qu’il déniche un modèle singulier : une 2 CV AZL mise en circulation le 3 décembre 1959.

C’est l’une des toutes premières sorties d’usine dans cette coquette livrée bleu glacier, rompant ainsi avec l’antédiluvienne robe “gris souris” revêtue jusque-là par les petites Citroën. Cette auto avait été auparavant acquise à l’état d’épave par Gilbert Six, un boulanger-pâtissier dunkerquois passionné par la restauration de carrosseries automobiles et qui possède son propre atelier depuis plusieurs décennies.

Il a d’ailleurs ressuscité de nombreuses 2 CV, réalisé quelques cabriolets Hoffmann et s’est même attaqué à une Trèfle de 1924 ! Ce dernier entreprit donc la remise à neuf intégrale du véhicule, en conservant la quasi-totalité des pièces d’origine devenues introuvables, soudant et formant les tôles avec un savoir-faire à l’ancienne. Seuls le châssis, le plancher, les sièges et la capote seront remplacés car irrécupérables. Même les roues d’origine caractéristiques, plus fines et sans trou de fixation d’enjoliveur, ont été sablées, repeintes et vernies avec un revêtement spécial antirayure.

Lorsque François achète la belle en juillet 2017, elle est structurellement parfaitement restaurée et immatriculée depuis le 11 mars 2016. Il prévoit même un tour de France avec sa nouvelle acquisition dès le mois d’août, mais à la suite d’une expertise de l’entreprise Danneels décelant entre autres un suintement d’huile moteur, Jean-Marie Takkak lui confirme qu’il lui reste à remettre en état la mécanique, l’embrayage, les freins et la suspension. Il fait alors appel aux meilleurs professionnels de la région lilloise pour terminer ce chantier : Rétro Design et Technic Diffusion pour les pièces, Jean-Marie Takkak et Profil à Neuf pour la mécanique et l’électricité.

François nous avoue avoir fait une seule entorse à l’origine : il a installé un petit et très discret transformateur lui permettant d’obtenir du 12 V pour le branchement de son GPS. Mais tout le reste est encore en 6 V, comme à l’époque. Aujourd’hui, il prend beaucoup de plaisir à voyager dans cette splendide 2 CV restaurée dans les moindres détails pour découvrir des “chemins de traverses” insoupçonnables en moderne !


 1959 Citroen 2cv AZL engine

 

Le 425 cm3 a été entièrement restauré. A noter que le bloc initial de 12 ch avait été remplacé par un 18 ch bien avant que François n’acquiert l’auto.


PASSEPORT TECHNIQUE CITROËN 2 CV AZL

MOTEUR

2 cylindres à plat implanté longitudinalement à l’avant, bloc et culasses alu, un arbre à cames central ■ Cylindrée : 424 cm3 ■ Alésage x course : 66 x 62 mm ■ Puissance maxi : 12 ch à 3 500 tr/mn  (18 ch sur ce modèle) ■ Couple maxi : 2,2 mkg à 2 000 tr/mn ■ Taux de compression : 7:1 ■ Alimentation : un carbu rateur inversé simple corps Solex 26 BCI ■ Allumage : par batterie 6 V 60 Ah, dynamo ■ Refroidissement : par air.

TRANSMISSION

Traction avant ■ Embrayage : centrifuge (remplacé par un monodisque à sec sur cet exemplaire) ■ Boîte de vitesses : manuelle, quatre rapports (1re non synchronisée) + MAR, levier au tableau de bord ■ Rapports de boîte : 1re : 25,96 – 2e : 12,53 – 3e : 7,46 – 4e : 5,68 – MAR : 28,05 ■ Rapport de pont : 3,87 x 1 (couple conique spirale)

STRUCTURE

Berline 4 portes/4 places, carrosserie en tôles d’acier boulonnée sur une plate-forme formant châssis ■ Suspensions AV : roues indépendantes par bras oscillants longitudinaux, batteurs à inertie avec butées caoutchouc et entretoise en métal ■ Suspensions AR : roues indépendantes par bras oscillants longitudinaux, batteurs à inertie avec butées en caoutchouc, pot de suspension ■ Jantes : 16’’ ■ Pneumatiques : 125 x 400 ■ Freins : tambours AV/AR ■ Frein à main : mécanique ■ Direction : à crémaillère ■ Dimensions (L x l x h) : 3,780 x 1,480 x 1,600 m ■ Empattement : 2,370 m ■ Voies AV/AR : 1,260/1,260 m ■ Poids à vide : 495 kg.

PERFORMANCES

Vitesse maxi : 80 km/h ■ Consommation : 4 l/100 km.

PRODUCTION

Décembre 1956 – février 1963 : les chiffres de production venant de l’usine se contredisant et les séries
comportant des “trous” dans les numéros de châssis, le nombre d’exemplaires par type est inconnu ■ Numéro de châssis : 2 385 592 ■ Coloris : bleu glacier AC 606 ■ Date de première immatriculation : 3 décembre 1959 ■ Prix de vente en 1959 : 467 100 F ■ Puissance fiscale : 2 CV.

COTATION

Les 2 CV AZL en configuration d’origine (capote longue) sont un peu plus chères que les AZLP (AZL avec porte de malle) dont l’exemplaire présenté ici se rapproche. Pour un modèle en très bel état, 10 000 euros constitue une base de discussion.


 1959 Citroen 2cv AZL

 

La capote longue étant irrécupérable lorsqu’il l’a achetée, François a choisi de la remplacer par un ensemble capote courte et porte de malle d’AZLP. Une semi-entorse à l’origine puisque nombre d’AZL en étaient équipées après coup.

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