2019 Dallara Stradale 4 cyl en ligne Turbo

Tout le savoir et toute l’expérience de Dallara prennent forme aujourd’hui sous les traits d’un modèle routier unique, le tout premier (et probablement le dernier) du constructeur.


Texte JETHRO BOVINGDON ET DAMIEN HERMENIER


2019 Dallara Stradale 01

 

2019 Dallara Stradale exterior


L’appui aérodynamique. Voilà un sujet en vogue ! Les dernières compactes sportives en génèrent plus que jamais, on nous le jure, tout comme les super berlines de 600 ch. Un attaché de presse doit bien être en train de rédiger là, quelque part, un communiqué vantant l’appui de je ne sais quel SUV. Or évidemment, pour l’essentiel, ces annonces sont un peu absurdes. A-t-on besoin d’une compacte affublée d’une aile de gros-porteur pour forcer l’appui à des vitesses inatteignables hors des circuits ?

Et dans un monde où la course à la puissance persiste, où la technologie des pneumatiques ne cesse de progresser, ce grip aéro ne fait qu’accentuer une réalité : ces sportives repoussent toujours plus loin des limites quasi inaccessibles sur route. Ce qui n’est pas totalement pour nous déplaire, cela dit… Direction Nardò. La piste est évidemment célèbre pour les 12,6 km de son anneau de vitesse. Cependant, on aurait tort de négliger les 6,3 km plantés au cœur de l’enceinte, qui forment un très joli circuit de comportement.

Rapide et fl uide, le tracé est jonché de crêtes à l’aveugle et de courbes à négocier à fond de cinq. Le virage 1, un long gauche dont la pointe se perd derrière les feuillus, s’aborde même en sixième à plus de 225 km/h, en Dallara Stradale. Avec un minimum d’angle au volant et sous l’effet saisissant de la déportance, on fi le là sans même décoller le pied droit du plancher. S’il existe un constructeur pour qui les hauts faits de l’aéro sont au cœur du développement automobile, c’est bien Dallara, une entreprise au palmarès impressionnant.

La Stradale est donc sans surprise d’une effi cacité aérodynamique saisissante. Elle exploite aussi toute l’expertise de Dallara dans le travail du carbone. Le résultat est d’une formidable intensité, et destiné aux puristes, aux vrais. Car malgré son nom, l’auto se voue avant tout à la piste. Du reste, notre super sportive allégée embarque en position centrale arrière un 4 cylindres 2,3 litres turbo d’origine Ford qui produit là 400 ch et 500 Nm.

Et pour 855 kg à sec dans sa défi nition la plus légère, elle génère pas moins de 820 kg d’appui (!) à 280 km/h en présence de l’aileron optionnel. Le tarif ? Si l’on compte le pack aéro complet, un pare-brise, la suspension à garde au sol ajustable (par pression sur un bouton), les gommes hautes performances, ainsi qu’un échappement course, prévoyez plus de 220 000 euros… Le ticket d’entrée est lui de 155 000 euros hors taxes. Et seules 600 unités de celle qui pourrait bien être l’unique “routière” de Dallara seront fabriquées.

N’oublions pas que Dallara possède également un fort pedigree hors des circuits, c’est donc la formidable histoire de Giampaolo (voir en page 98) autant que les caractéristiques dynamiques de cette redoutable machine qui séduiront sans doute les potentiels clients. Premier terrain de jeu : la route. On nous tend les clés d’une Stradale dépourvue d’aileron.


2019 Dallara Stradale 02

 

Elle exploite toute l’expertise de Dallara pour un résultat d’une formidable intensité, destiné aux puristes


Elle possède un pare-brise, une boîte manuelle, deux sièges, et pas grandchose d’autre. S’installer, c’est d’abord enjamber la carrosserie pour poser le pied droit sur un marchepied creusé dans l’assise. Y est noté “step here”. À son tour, l’autre jambe survole ensuite la caisse avant que les deux réunies ne se glissent doucement dans leur étroit compartiment. Le siège et le volant sont fi xes, mais le pédalier coulisse d’avant en arrière. Alors, il est plutôt aisé de se mettre à l’aise.

On se sent un peu haut, cela dit, vu la taille de l’engin (notez qu’un baquet plus chiche en rembourrage est proposé en option. Dallara le destine aux grands gabarits, mais il ravira quiconque dépasse Danny DeVito en hauteur). Le volant se voit lui repoussé très en arrière contre la poitrine. L’atmosphère qui se dégage de l’ensemble évolue un cran au-dessus de bien des pistardes de ce type, pas étonnant vu le tarif me direzvous, et le petit volant semé de boutons se révèle fantastique une fois en mains. Seule déception : un levier de vitesse d’origine Ford à peine déguisé, alors que Dallara fabrique des pièces somptueuses pour Bugatti…

Quelques centaines de mètres suffi sent pour se rendre compte qu’en revanche, la conduite et les caractéristiques dynamiques ne concèdent pas un compromis. Le set-up de la Stradale est le travail de l’ex-pilote Marco Apicella et du célèbre metteur au point Loris Bicocchi. Leur passion, leur rigueur et leur expertise transparaissent clairement dans cette façon si brillante et raffi née qu’a l’auto de progresser, si fl uide, sur la route.

Associé aux jantes optionnelles de 18/19 pouces avant/arrière (contre 17/18 pouces de série), l’amortissement s’avère particulièrement ferme à basse vitesse. Mais la Stradale fait ensuite honneur à son patronyme une fois passés 50 km/h, se jouant sans effort des irrégularités de la route, et négociant les bosses et les creux plus imposants sans jamais buter. On ne décèle pas le moindre tangage, tandis que les trains avant et arrière œuvrent parfaitement en phase.

Notez que la direction n’est pas assistée électriquement. En fait, elle n’est pas assistée du tout. Cela ne garantit pas en soi une direction plus communicative. Prenez la 4C, également produite chez Dallara, elle en est un exemple. Dans le cas présent, néanmoins, le système de la Stradale,très sain dans ses réactions, présente un excellent feedback sans remontées désagréables, proche de celui d’une Elise. La seule surprise vient de la démultiplication, relativement “douce”.

Bicocchi aime les directions sans trop de tranchant, et avec le temps on s’y acclimate volontiers même si, au départ, on s’attend effectivement à un système plus vif et direct. Aucun doute, dynamiquement, la Stradale est une pépite : stable, équilibrée, d’une extrême précision, elle démontre là tous les bienfaits de masses contenues. Puis on ressent chez elle l’immense rigidité du châssis. Le contrôle de caisse se révèle donc de très haut niveau.

Quant au moteur, malgré un turbocompresseur, une admission d’air et un échappement issus de la Focus RS, le tout savamment préparé, l’humble 4 cylindres brille davantage par sa puissance que par le frisson. La réactivité au coup de gaz s’avère épatante, du jamais vu sur ce bloc, tandis que pas un canasson ne manque à l’appel (la Stradale est très, très rapide), mais la mécanique demeure au second plan.

Plus tard, sur le circuit de Nardò, l’auto nous attend dans sa définition la plus agressive : aileron arrière (9 500 euros), pneus Trofeo R (1 900 euros), boîte séquentielle à palettes (12 900 euros) et suspension réglable (3 800 euros). Apicella mène le peloton. Et très vite, ça attaque. Le rythme est soutenu. Le virage 1, celui pris à fond en sixième, nécessite alors un peu de pratique et beaucoup de sang-froid. Comme la plupart des virages, en réalité. En Stradale, l’ensemble du tracé est parcouru à une telle vitesse qu’il en devient terrifiant.

Comme sur route, l’action sur le frein se module curieusement, car à une course morte notoire suit une action assez brusque. C’est dommage. La Stradale possède aussi un ABS afin de parer à toute injonction ratée, mais pour autant, son pilotage n’a vraiment rien d’assisté. Quant aux changements de rapports, ils sont rapides et fluides bien que Dallara continue d’y travailler, pour des passages encore plus efficaces et brefs. Attaque de freins mise à part, la Stradale se montre donc tout à son aise sur piste.

Et contrairement aux compactes sportives, berlines et SUV évoqués plus haut, l’apport de l’aérodynamique est ici évident. On sent le comportement se transformer à mesure que la vitesse et les efforts augmentent. Ce qui demande du muscle dans les longues courbes. Par ailleurs, si le pilotage de la Stradale nécessite beaucoup d’engagement, l’auto met étonnamment en confiance à grande vitesse. Car l’équilibre, neutre et savoureux, associe un train avant rivé au sol à une poupe qui suit le mouvement, qu’importe la vitesse d’entrée en courbe.

De temps à autre on s’attend pourtant à du survirage à l’inscription, mais sur les quelques tours réalisés, jamais l’auto n’a été déséquilibrée. Au contraire, et c’est peut-être là son souci, la Stradale est tellement stable et conserve tant de vitesse qu’il en devient difficile de percevoir ses limites. Ce qui rend son pilotage parfois compliqué. Contrairement à une Radical RXC Spyder, en permanence la Stradale semble opérer un cran au-dessus des capacités du pilote. Plus on attaque, plus l’adhérence augmente. Plus on cravache, plus les limites se voient repoussées et inatteignables.


 2019 Dallara Stradale 05

Page de gauche et ci-dessous : la version dépourvue d’aile arrière troque un appui aérodynamique colossal contre un comportement plus joueur ; avec seulement 600 Stradale produites, l’auto restera une rareté sur route comme sur circuit.


CouP D’œil sur l’histoire De Dallara

L ’homme et son entreprise, de la Miura à la Chiron, des prototypes à la F1.


Afin de saisir la portée de la nouvelle dallara Stradale, on se doit de connaître l’histoire de l’entreprise et de son créateur. diplômé en aéronautique à l’école Polytechnique de Milan en 1959, Giampaolo dallara débute sa carrière chez Ferrari comme assistant concepteur.

Il quitte deux ans plus tard le constructeur de voitures de course pour un poste similaire chez Maserati, avant de changer de nouveau en 1963 pour rejoindre Lamborghini. C’est là que Giampaolo s’attaque aux voitures de route. et à 28 ans, il fait partie de l’équipe d’ingénieurs qui convainc Ferrucio de passer des modèles de type GT à une nouvelle architecture à moteur central arrière. de là naîtra la Miura. après six ans chez Lamborghini durant lesquelles dallara planche aussi sur les concepts de la Marzal ou de l’espada, il revient aux voitures de course en 1969. Cette fois, il a l’occasion de travailler avec Franck Williams chez de Tomaso, sur des modèles de F2 et de F1. Mais dès 1972, l’Italien décide de créer sa propre entité : dallara automobili da Competizione.


2019 Dallara Stradale 04

 

Ci-dessus puis en sens horaire : les alfa romeo 4C, Lancia LC2 et Bugatti Chiron ont toutes bénéficié du travail de dallara automobili ; les sport-prototypes alfa du début des années 1970 étaient de conception dallara ; Giampaolo avec enzo Ferrari (à gauche) ; la F1 dallara 188. au centre : la Stradale, présentée le jour des 81 ans de Giampaolo.


La pistarde conçue et construite par dallara est alors un sport-prototype de 1 000 cm3 destiné à alfa Corse, qui passera ensuite à 1 300 et 1 600 cm3. Puis en 1973, l’écurie Williams ISO Marlboro contacte dallara, lui demandant de l’aide pour réaliser sa toute dernière F1. de nombreuses collaborations suivent, notamment sur les prototypes Lancia LC1 et LC2 du début des années 1980, ou sur le proto Ferrari 333 SP des années 1990.

Les projets en F1 sont également plus nombreux à l’époque. en 1988, dallara devient même constructeur officiel, créant le châssis 188 de la Scuderia Italia BMS. S’il n’enregistre aucune victoire durant cette collaboration de cinq ans, dallara compte plusieurs podiums, et deux huitièmes places au Championnat Constructeur. dallara fera un bref retour à la F1 en 2010 avec Hispania racing, puis en 2016 avec Haas.

Mais c’est en F3 et en IndyCar que l’entreprise marque tant l’histoire. en F3, le châssis dallara remporte chacun des championnats italiens entre 1985 et 2011, tandis qu’en Indy, la popularité du châssis de Giampaolo est telle qu’il est l’unique fournisseur de la discipline depuis 2009. dallara a également été consultant technique (en particulier pour son expertise dans la fibre de carbone) pour Bugatti, avec les Veyron et Chiron, alfa romeo avec les 4C et 8C, pour Maserati et la MC12 ou encore KTM et sa X-Bow.

Il faut ainsi prendre en considération ces décennies d’expérience et de succès en course, ou la participation de dallara à la réalisation de certaines des voitures de route les plus extraordinaires, afin de comprendre pourquoi la première routière à porter ce nom mérite toute notre attention.


EN BREF Dallara Stradale

Moteur 4 cyl. en ligne, 2  300 cm3, turbo

Puissance 400 ch à 6  200 tr/mn

Couple 500 Nm de 3  000 à 5  000 tr/mn

Poids 855 kg à sec (2,1 kg/ch)

0-100 km/h 3’’3 V-Max 280 km/h

Prix de base 155  000 euros HT

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