En 1968, la Skyline 2000 GT-R, pour Gran Turismo-Racing, déboule au Salon de Tokyo : 160 ch et déjà un 6 cylindres. La même année, Giugiaro lance son officine, Italdesign. Un demi-siècle plus tard, le bureau d’études italien s’attaque au mythe avec une GT-R revue de fond en comble.
Ou pas, puisque le moteur demeure le V6 de 3 799 cm3. A un détail près : la base est celle du 6 cylindres développé par Nismo pour la compétition, celui des machines de GT3 en l’occurrence. De 600 ch pour la version routière, on passe ainsi à 720 ch. En revanche, le communiqué reste pudique quant au poids de ce prototype, abaissé certes, mais élargi et allongé…
En 1989, la descendante de la 2000 GT-R, la R32, possède toujours un six en ligne, porté à 2,6 litres, mais y ajoute une transmission intégrale et une paire de turbos. Non importée en Europe, nous avions néanmoins pu l’essayer sur les routes allemandes.
Malgré une configuration proposée exclusivement volant à droite, nous en gardons un souvenir ému : quelle machine ! Ce concentré de technologies constitue alors la vitrine de Nissan, mais la GT-R n’est pas venue que pour s’exposer. Elle remporte, entre autres, les victoires aux 24 Heures de Spa-Francorchamps, en 1991.
Au pluriel, car les Skyline ont dominé les deux catégories : le Groupe A, et donc le scratch, mais aussi le Groupe N, plus proche de la série. Suivent la R33, en 1995, puis la R34, en 1999, qui finira en 2002 avec 320 ch.
La légende perdure
Exit la Skyline GT-R, à laquelle succède la GT-R « tout court », à partir de 2007. Cette R35 contemporaine marque le remplacement du six en ligne par un V6, biturbo lui aussi pour faire bonne mesure. Parti de 485 ch, le 3 799 cm3 entame une escalade continue au gré des versions, pour aboutir à 570 ch dix ans plus tard.
Voire 600 ch en version Nismo, officine réputée et bras armé de Nissan en compétition. Cela fait donc cinquante ans que le constructeur, toujours impliqué en compétition, régale les passionnés de cette spéciale inclassable, qui n’a pas toujours eu l’air de l’avoir, mais n’en a jamais manqué, d’air.
D’apparence plutôt épaisse, et objectivement lourde (notre dernier ticket de pesée s’établit à 1 797 kg, pour ne pas dire 1,8 t), cette fausse supercar en tabasse des vraies ; et pas qu’en course. La GT-R se tient très, très loin du prix d’un monstre sacré, mais c’est un sacré monstre.
Sur-mesure
Il est un autre monstre sacré de l’automobile : Italdesign. Fondé en 1968 par l’immense Giorgetto Giugiaro, honoré comme Car Designer du siècle en 1999, ce « carrossier » est turinois à l’instar des monuments Pininfarina ou Bertone. A Giugiaro on doit des fulgurances comme la Lotus Esprit ou… la Golf originelle. Or, depuis 2010, Italdesign appartient à la galaxie Volkswagen ! Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre son activité de façon indépendante pour des marques étrangères au groupe.
Depuis la naissance de l’entreprise, il ne s’agit pas uniquement d’ébaucher des dessins de carrosserie, mais aussi de réaliser et développer des prototypes. Ou des oeuvres à tirage limité, voire uniques pour collectionneurs, au sein d’une entité créée spécialement en 2017 : le département Italdesign Automobili Speciali.
La Nissan GT-R et Italdesign fêtent leurs 50 ans respectifs. Ensemble ! Et cela donne un prototype aussi spectaculaire « en vrai » qu’espéré. La GT-R avait déjà des performances, et un palmarès, de supercar ; cette fois elle en aurait aussi l’apparence…
Célébration
Pour fêter leurs demi-siècles respectifs, la GT-R et Italdesign ont eu la riche idée de s’associer et le gâteau s’appelle Nissan GT-R50 by Italdesign. Il s’agit de la première collaboration entre les deux entreprises. Selon la version officielle, pour aboutir à ce prototype, Nissan Design Europe, à Londres, et America, à San Diego, ont esquissé ; Italdesign a conçu et réalisé tout le reste. Partant de la GT-R Nismo, en conservant l’empattement de 2,78 m, la R50 s’allonge de 9 cm, s’élargit de 10 cm et adopte un toit abaissé de 5 cm.
L’arrière est surmonté d’un grand aileron rétractable, plutôt explicite une fois déployé. Italdesign a mené un véritable développement, avec une suspension Bilstein retarée et un freinage Brembo renforcé (étriers à 6 pistons devant, 4 pistons derrière). Le traitement de l’habitacle joue le « carbonisé », ou carbonifié comme : bonifié. Basée sur deux sortes de fibre de carbone, l’ambiance, là encore sans équivoque, est adoucie par l’incontournable Alcantara. La GT-R50 conserve la même largeur de pneus, mais à taille plus basse, le diamètre des jantes étant passé de 20 à 21 pouces.
Et c’est Michelin qui garnit ces dernières de Pilot Super Sport (et non des semi-slicks) : 255/35 R21 à l’avant et 285/30 R21 à l’arrière. Tout cela pour encaisser l’augmentation de puissance savamment orchestrée par Italdesign. Pour ce faire, le studio est parti de la version Nismo du V6 assemblé à la main.
En reprenant une paire de gros turbos de course, ceux de la GT3, la puissance bondit de 600 à 720 ch… estimés. Tout ou presque suit : échangeurs d’air pour le refroidissement de la suralimentation, vilebrequin, bielles, pistons, arbres à cames, injection, lubrification et on en oublie sûrement.
Ce que nous avons sous les yeux, et que les heureux visiteurs de Goodwood ont vu « en chair et en os », est le prototype de ce qui pourrait devenir une série très limitée : 50 exemplaires maxi, ce serait de l’homéopathie… à 900 000 € le comprimé.
Sans doute moins polyvalente avec son toit chopé de 5 cm, mais de toute façon moins père de famille avec ses 720 ch. Tout est fibre de carbone et Alcantara, jusqu’au volant.
NOTREAVIS
Prototype mais si réaliste et, pour tout dire, irrésistible. La contamination est immédiate. Docteur Loto, vite une ordonnance ; et une sévère, ajouterait Bernard Blier dans Les Tontons flingueurs. Même si la R50 ne perdait pas un kilo par rapport à une GT-R classique, avec un tel châssis et 720 ch, ça flinguerait à tout va.
EN BREF
Moteur : V6 biturbo, 3,8 litres, 720 ch à 7 100 tr/min, 79,5 mkg de 3 600 à 5 600 tr/min
Transmission : intégrale, boîte 6 séquentiels Poids : env. 1 800 kg