Avec son flat-6 remplacé par un flat-4 turbo, le dernier Cayman GTS est-il capable de nous coller autant de frissons que son prédécesseur dans la traversée des Pyrénées ?
L’APPEL DE LA FORÊT
Hormis une sonorité un brin démonstrative, le Cayman GTS ne trahit en rien la partie GT de son appellation
La voix s’exprime à travers les haut-parleurs : « M e s s a g e p o u r l’é q u ip a g e : p r é p a r e z – v o u s , n o u s a t t e r r i s s o n s d a n s d i x m i n u t e s . D i x m i n u t e s p o u r l’a t t e r r i s s a g e . » D i n g. La lumière indiquant qu’il faut attacher sa ceinture s’allume au-dessus de ma tête. Un homme en direction des toilettes se fige dans l’allée centrale, l’air paniqué : faire pipi ou ne pas faire pipi, telle est la question…
Mon regard se porte à nouveau vers le hublot à ma gauche. Tant d’opportunités de parcours ont défilé devant mes yeux ces deux dernières heures. Tant de routes à arpenter pour les deux prochains jours sont passées sous le ventre de cet avion. Nous sommes dimanche après-midi et dans une heure, je serai au volant d’une Porsche 718 Cayman GTS à boîte manuelle. La mer d’Alboran sera au sud tandis que les paysages que nous avons survolés se situent au nord. Notre objectif : ramener l’auto à Londres avant mardi soir.
Dans l’intervalle, je pourrai aller où bon me semble… c’est en tout cas ce que je pensais lorsque j’ai commencé à planifier ce voyage. Au début, vous vous dites que deux jours et demi, c’est suffisamment long, même lorsqu’il s’agit de parcourir 2 500 km. Mais au risque de contrarier les grands pontes des rédactions du monde entier, il suffit de consacrer une journée aux photos pour que ce timing supposé suffisant se resserre dramatiquement. À travers le hublot, alors que nous sommes toujours à haute altitude, j’aperçois clairement les montagnes du Parc National de la Sierra Nevada à l’est.
C’est là-bas que je pensais me rendre à l’origine pour dénicher des routes magnifiques mais, avec notre timing, impossible de nous y rendre ce soir, d’y passer la nuit pour faire les photos le lendemain tôt et ensuite de remonter au nord pour être en Angleterre mardi soir. En fait, plus je détaille la carte et plus les options de parcours se réduisent. Par chance, l’une des possibilités émerge avec insistance : les Pyrénées ! Mais où aller parmi les nombreuses et merveilleuses montagnes offertes par cette chaîne ?
Parfois, ce genre de question offre une réponse trop évidente. Tapez “Pyrénées” dans Google Maps et la petite flèche rouge se cale au milieu d’un serpentin infini de routes et de virages qui semble trop beau pour être vrai. Je n’ai jamais entendu parler de ces routes, je reste donc méfiant, mais ce qu’annonce la carte ne peut être ignoré. Une heure plus tard, le PCM est réglé et nous quittons la structure étonnamment légère et aérienne du Terminal 3 de l’aéroport de Malaga (dessinée par Bruce S Fairbanks pour ceux qui veulent savoir).
Les versions GTS de Porsche sont généralement autre chose qu’un modèle équipé d’options à prix cassé. Oui, le 718 Cayman GTS reçoit 15 ch de plus qu’un Cayman S (plus 10 Nm de couple pour la version à boîte PDK) mais cela ne suffit pas à faire une vraie différence sur la route, ou même de meilleurs chronos sur circuit. Mais nous savons aussi que les GTS offrent souvent bien plus que la somme de leurs équipements et finissent par être extrêmement désirables.
En haut à gauche : le cayman s’extrait des virages avec une réelle vigueur. À gauche : bien que plus rapide que la précédente gts, cette mouture n’offre pas une sonorité aussi enivrante
Pour ajouter à l’attrait de notre modèle d’essai, il s’est vu équipé du freinage optionnel carbone-céramique (7 380 euros) qui réduit les masses nonsuspendues, et de la suspension sport du PASM qui abaisse la garde au sol de 20 mm (240 euros). Tout cela ne servira pas lors de la première partie de notre voyage à travers l’Espagne. Le parcours, bercé par une sonorité moteur un peu rude à écouter (mais à laquelle on s’habitue avec les kilomètres), se révélera sans histoire notable, si ce n’est la découverte d’une station essence vendant des bonbons et des… armures, ou encore la vision d’un incroyable coucher de soleil et d’une Citroën C4 by Loeb (probablement le pire hommage automobile jamais produit.
A-t-il réellement participé au réglage du châssis ? Je ne pense pas. En fait, je l’imagine volontiers virer furieux à chaque fois qu’il en croise une, un peu comme John “Basil Fawlty” Cleese flagellant à coups de branches d’arbres son Austin 1 100 Countryman. Mais je m’égare…). Après 1 000 km de route, nous atteignons enfin Barbastro aux environs de 23 heures. Et je peux déjà affirmer que, hormis une sonorité un brin démonstrative, le Cayman GTS ne trahit en rien la partie GT de son appellation. Demain, il sera temps de voir ce qu’il en est du “S”…
Malgré mon gros manteau, je frémis légèrement dans l’air frais du matin suivant. Cette température me donne l’impression d’avoir parcouru bien plus de 1 000 km depuis Malaga. Le parking où se trouve notre Cayman Jaune Racing n’est pas très éloigné, l’atmosphère feutrée et calme des rues est typique d’une ville encore endormie. Me voilà d’autant plus gêné lorsque, quelques minutes plus tard, les murs de béton gris pâle du parking amplifient l’écho du flat-4 turbo grognant sourdement au réveil.
Le son change toutefois lorsque je manœuvre pour sortir du parking souterrain. Avec un peu de gaz, à bas régime, le moteur évoque en moi le souvenir des flat-4 turbo les plus fameux, ceux que l’on trouvait sous le capot des Subaru Impreza. C’est étrange mais c’est uniquement à ce moment précis que vous vous demandez si les arches de roues du Cayman n’abritent pas de belles jantes dorées.
Sur la carte, le petit point rouge cible un enchevêtrement de courbes si merveilleux qu’il semble irréel
Damian, le photographe, a chargé les deux coffres de tout son matériel et nous voilà partis plein nord, encore une fois. Ce matin, nous suivons la N-230, une route large et lisse typique de l’Espagne. On se croirait sur circuit. Elle n’était en rien un objectif durant notre voyage vers la Grande-Bretagne mais elle mérite le détour, assurément. Nous roulons toujours dans la pénombre à la lumière des phares, et comme j’essaie de sortir de ma torpeur matinale, j’évite de pousser fort.
Mais malgré cela, l’auto semble merveilleuse. Je n’accélère pas brutalement, ni ne freine énergiquement, je roule simplement sur l’élan en me concentrant sur la façon dont le châssis et la suspension transmettent la charge aux pneus lors des appuis. J’essaie d’être aussi clinique que possible au volant, pour être à l’écoute de ce que la direction remonte. Le plus petit mouvement au volant est retranscrit précisément, l’auto applique subtilement du poids sur les ressorts et les flancs des pneus avant que vous n’augmentiez la charge pour la suite du virage.
Une connexion intime s’opère. Les kilomètres de cette N-230 défilant sous les roues du Cayman, je deviens de plus en plus économe dans mes gestes. La pénombre qui masque un décor majestueux à même de vous distraire me permet de rester concentrer spécifiquement sur les impulsions à donner au volant pour enrouler ces merveilleuses routes serpentant à l’infini.
Si nous avions été en plein jour, j’aurais pu apercevoir tout autour les pics rocheux et à ma droite, un large réservoir appelé Pantà d’Escales. Si nous avions été en plein jour, il y aurait certainement eu plus de circulation également, d’autant plus que nous sommes sur l’une des rares routes traversant les Pyrénées et donc empruntée par les camions désirant rejoindre la France. Mais nous allons rester encore un petit moment en Espagne. En fait, la route que nous visons est la seule d’Espagne qui soit située sur le versant nord des Pyrénées. Arrivés à Viella, nous quittons la circulation de la N-230 et bifurquons à droite.
La route d’une vingtaine de kilomètres rejoint la frontière française mais elle comporte à cet instant une incertitude majeure : le col est-il ouvert ? La neige est tombée en abondance cet hiver et j’ai peur que nous soyons bloqués et obligés de rebrousser chemin. Mais j’aperçois le panneau au loin, les lettres deviennent plus claires… BERT… BIERTO… OUBERT… OUVERT… OPEN. Damian qui somnolait durant les 90 minutes précédentes découvre maintenant le panorama qui borde les routes de notre parcours.
Alors que nous quittons la ville, je préfère lui glisser quelques mots en guise d’avertissement. Je lance donc avec hésitation : « Il faut que t u saches qu’ils sont en t rain de réint roduire l’ours brun dans cette région… ». Silence. « Mais ils sont en hiber nation, là, non ? » , me demande Damian avec de l’inquiétude dans la voix.
L’explosif flat-4 pousse toujours plus fort et vous extrait des virages avec une vigueur impressionnante
La C-28 sur laquelle nous nous trouvons maintenant a demandé un peu de temps avant de se révéler. Nous sommes dans les montagnes mais avant cela, nous avons traversé une demi-douzaine de stations de ski de taille variable avant que la route ne devienne intéressante. Cela a demandé un peu de patience mais, bon sang, cela méritait d’attendre ! Au départ, elle se montre large et assez rapide avec l’immense vallée s’étendant à votre droite et un épais mur de neige sur votre gauche. Puis elle se réduit considérablement et commence à serpenter au milieu des arbres.
Même les épingles sont amusantes en Cayman. Il tolère un peu de survirage et profite surtout de son différentiel à glissement limité offert de série sur le GTS. Mais ce sont les portions entre ces virages à 180° qui sont les plus révélatrices des extraordinaires qualités dynamiques du châssis. Sur une portion tournoyant entre les murs de neige, la 718 ne requiert qu’une infime impulsion sur le volant pour virevolter de gauche à droite et inversement. Le profil changeant de la route ne perturbe pas un instant la sérénité de la voiture.
Tout à coup, nous sortons de la forêt et la raison pour laquelle cette nationale est restée accessible et n’est pas abandonnée aux affres de l’hiver apparaît. Le sommet du col du Port de la Bonaiga situé à 2 072 m abrite une station de ski complète, avec son restaurant et ses magasins de location de matériel, tandis que de généreux poteaux de métal entre lesquels sont tendus d’immenses câbles remuant au gré du vent nous surplombent.
La présence de ce sanctuaire de la glisse explique que l’accès soit ouvert en hiver mais cela signifie aussi que cette route reste étonnamment calme une grande partie de la journée car une fois que le rush matinal des skieurs est passé, la circulation devient minimale ensuite, tout du moins jusqu’à ce que les skieurs aient les pieds endoloris et décident de retourner à leur chalet. Comme aucun autre village n’existe à l’ouest, le trajet est encore plus calme de l’autre côté du col. Et croyez-le ou non, la route y est encore plus somptueuse.
La façon dont le bitume fait son chemin à travers les montagnes me rappelle la mythique Transfagarasan en Roumanie. Bien qu’il n’y ait pas ici de vibreurs rouge et blanc à l’intérieur des virages, le bitume est de bien meilleure qualité. Enfin, là où il n’y a pas de verglas… Ce genre de terrain est un excellent révélateur de l’équilibre parfait du Cayman, notamment lorsque vous abordez un grand virage à 180° et que vous sentez l’auto vous échapper à cause du verglas invisible !
Le contrebraquage qui remet l’auto dans le droit chemin apparaît si naturel et si facile qu’après les premiers dérapages involontaires, chaque épisode suivant se gère sans panique. Une fois passée cette séquence de virages, et après une longue ligne droite extrêmement rapide, je décide de faire demi-tour avec l’intuition que la meilleure partie de cette nationale se trouve derrière nous. Et aussi parce que j’ai laissé Damian un peu plus haut et qu’à cette heure, il doit se
Porsche
Le feeling très précis combiné à un châssis qui vous encourage à chercher les limites font du Cayman un excellent compagnon
EN BREF Porsche 718 cayman gts
Moteur flat-4, 2 497 cm3, turbo
Puissance 365 ch à 6 500 tr/mn
Couple 420 nm de 1 900 à 5 500 tr/mn
Transmission manuelle 6 vitesses, propulsion, Dgl
Suspension AV jambes de force McPherson, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs adaptatifs, barre antiroulis
Suspension AR jambes de force McPherson, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs adaptatifs, barre antiroulis
Freins disques carbone-céramique, 350 mm aV et ar (option)
Roues 8×20 pouces aV, 10×20 pouces ar
Pneus 235/35 Zr20 aV, 265/35 Zr20 ar
Poids 1 375 kg (3,77 kg/ch)
0-100 km/h 4’’6 (constr.)
V-Max 290 km/h (constr.)
Prix de base 78 830 euros