Comment vont-ils Sauverles supercars ?

Comment vont-ils Sauverles supercars ? Les constructeurs de supercars doivent faire face au plus gros challenge de leur existence, celui d’un futur oщ les moteurs atmospheriques auront disparu. Lamborghini et les autres imaginent plusieurs solutions.


Si quelqu’un a un plan pour sauver le monde des supercars, c’est bien Lamborghini. Lorsque vous êtes crédité sans guère de contestation d’être à l’origine du génome d’une espèce et qu’à votre catalogue on trouve les Miura, Countach, Diablo, Murciélago, Aventador, Gallardo et Huracán, il est normal que le monde tourne les yeux vers vous au moment de trouver la solution à un problème énervant : comment les supercars, symboles ultimes de la société de consommation et des excès du XXe siècle, du bruit et des émissions polluantes, vont-elles survivre dans ce XXIe siècle antiseptique, clinique et électrique ?


 How Lamborghini will save the supercar in UK

Lamborghini

Les projets de Lamborghini s’étendent à la fois sur le court, le moyen et le long termes, et les mener tous oblige à comprendre ce qui motive les clients à acheter leurs autos, et au-delà de ça, ce qui excite vraiment l’imagination des fans, jeunes ou moins jeunes.

À la tête de cette quête, Stefano Domenicali, un visage familier depuis son époque en rouge sur le muret des stands des Grand Prix de Formule Un. Le désormais patron de Lamborghini pense que sa compagnie est dans une position unique.

À court terme, il sait que Lamborghini possède une aura spéciale auprès des gens, une aura dont peu de rivaux (pour ne pas dire aucun) peuvent se targuer. « L’âge moyen de nos clients est en baisse constante et se situe autour de 38-39 ans. C’est le genre de statistique que tous les constructeurs rêveraient d’avoir. Et par ailleurs, je vois notre marque plus complémentaire de Ferrari que véritablement rivale », explique Domenicali. « Je respecte beaucoup Ferrari, j’y ai travaillé 23 ans, mais je pense que nous sommes un blason plus jeune, plus cool, plus sportif que Ferrari. »

« Pour moi, la plus grande tâche est de réussir le passage entre le monde d’aujourd’hui et celui de demain », poursuit-il.

En disant cela, il laisse entendre que les anciens clients de Lamborghini, ceux qui aiment les gros moteurs, le bruit, tous les excès et les jeunes, plus ouverts, devront accepter une nouvelle interprétation de ce qui définit les supercars. La complexité est que ces mêmes jeunes gens sont également engagés d’une façon singulière autour de leur marque : « Je me demande pourquoi ces jeunes gens aiment Lamborghini (sur les réseaux sociaux par exemple) et pas nécessairement les voitures récentes ou les voitures en général ? C’est ce qu’il nous faut comprendre. J’ai des ados à la maison qui pourraient peut-être me conseiller… ».

Un des éléments clés sur lesquels il va falloir travailler est la sonorité, ou plutôt l’absence de son sur les voitures électriques.

« Il y a tout juste deux mois, j’ai lancé un groupe de travail qui va s’atteler à savoir ce qu’un moteur Lamborghini non thermique doit émettre comme bruit. Un bruit qui soit lié à la technologie que l’auto utilise et pas un bruit artificiel. Les jeunes gens vivent en permanence avec de la musique dans les oreilles, c’est quelque chose dont nous devons tenir compte lorsque nous cherchons des réponses sur le sujet. C’est un challenge incroyable, pour lequel je n’ai encore aucune réponse. »

Avoir des réponses signifie pour Lamborghini de savoir retenir aussi bien les vieux clients qu’en attirer de nouveaux : « Nous adopterons une nouvelle technologie seulement lorsqu’elle sera prête ». Cela signifie que pour l’instant, les V10 et V12 seront conservés car leur extravagance et leur hurlement caractéristique sont une part essentielle de l’ADN Lamborghini.

Maurizio Reggiani, le patron technique de la firme l’affirme : « Tant que je serai directeur technique, nous produirons des sportives à moteur atmosphérique ».

La transition vers des motorisations alternatives sera l’hybridation, elle permettra de conserver encore les moteurs atmos tout en leur apportant un supplément de couple et de puissance et une meilleure répartition des masses. « Le problème des émissions n’a aucun rapport avec la taille du moteur mais avec la façon dont on contrôle la combustion », explique Reggiani. « La consommation d’essence et les rejets CO2 sont liés, et c’est la raison pour laquelle nous introduirons l’hybridation. Nous visons la norme Euro 7. »

Lamborghini n’en dira pas plus mais ce V12 hybride est déjà prêt à équiper la remplaçante de l’Aventador qui doit bientôt être présentée. Domenicali indique également que la firme proposera vers 2026 une supercar 100 % électrique potentiellement équipée de batteries à électrolyte solide (comme le concept Terzo Millenio qui illustre ces pages).

La technologie à pile à combustible (hydrogène) est également une piste de travail mais l’hybridation n’est clairement qu’une technologie destinée à passer le cap. Le problème avec les hybrides comme nous le savons, est le poids. Reggiani grimace d’ailleurs à chacun de ces mots. « Toute ma vie, le poids et la position des éléments ont été des problèmes à résoudre. Mais c’est un challenge pour les techniciens et bien que je n’aie pas encore de réponse à ce jour, mes gars travaillent dessus. Le poids est notre ennemi et nous nous battons en permanence contre lui. »

Reggiani ne nous dira pas si cela signifie un basculement vers le tout-carbone pour les remplaçantes de l’Aventador et de la Huracán mais il est clair que cela va changer beaucoup de choses : « Carbone, magnésium, titane, tous ces matériaux peuvent constituer une réponse. Une supersportive doit toujours être aussi basse que possible, avoir la masse la plus réduite possible et posséder un faible moment d’inertie polaire ».

Clairement, installer tous les éléments supplémentaires que requiert une motorisation hybride au sein d’un package déjà encombré sera une tâche ardue. Le fait que les clients traditionnels font une fixation sur la puissance n’aidera pas Reggiani dans sa tâche, et leur faire prendre conscience qu’une réduction du poids est plus profitable ne sera pas une sinécure : « 99% des clients ne remarqueront pas 10 ch de plus, mais 10 kg de moins oui ! ».

Reggiani est également fan des boîtes manuelles mais il n’y aura plus de place pour elles sur des groupes hybrides dotés d’un couple énorme qui nécessitent des embrayages à trois voire quatre disques. Mais une règle qui surpasse tout cela guidera toujours les ingénieurs : « Une Lamborghini est constituée de 60 % de design, de 30 % d’émotion et le reste, ce n’est que 10 %. Si vous ratez ça, elle ne se vendra pas ».

La fin des Lamborghini imposantes, méchantes et bruyantes n’est pas encore pour demain.

Ci-dessus et en haut : les rendus virtuels de la Terzo Millenio proposent une voie pour une future Lamborghini électrique. À gauche : Reggiani et Domenicali, les hommes de Lamborghini.



 

COMMENT LES AUTRES CONSTRUCTEURS ABORDENT-ILS L’ELECTRIQUE ?

Lamborghini ne manque pas de rivaux, ce même au sein du Groupe VW. Mais c’est grâce à cela que toutes ces futures technologies lui seront accessibles. Il eût été impensable pour la marque de Sant’Agata d’y avoir accès ou de les développer en interne si elle n’avait pas fait partie d’un grand groupe.

Le futur électrique de Porsche est proche d’être lancé avec la grande berline Taycan, version de production du concept Mission E. Mais pour l’instant, nous ne savons rien d’une hypothétique supercar électrique. Cependant, la firme a déjà exposé ses intentions dans le domaine hybride avec la 918 Spyder et étendu ces motorisations hybrides à la Panamera et au Cayenne. La prochaine étape sera une 911 hybride qui verra le jour avec la prochaine génération 992 qui doit apparaître en fin d’année.

Chez Audi, la division e-tron dédiée aux autos électriques a déjà développé une R8 électrique commercialisée en série très limitée. Le récent concept e-tron Vision Gran Turismo semble confirmer l’arrivée imminente d’une supercar Audi 100 % électrique. Tout cela coïncide d’ailleurs assez bien avec l’engagement en Formula E.

McLaren a déjà produit l’hybride P1 et a indiqué que 50 % de ses futurs modèles auront une motorisation hybride d’ici 2022. Cependant, il pourrait s’agir d’un simple boost électrique et pas d’une auto capable de rouler longuement en tout électrique.

Mercedes-AMG travaille actuellement sur l’incroyable hypercar Project One mais le concept AMG GT Coupé de 2017 a déjà montré que les futurs modèles de la marque, pas forcément élitistes, auront eux aussi droit à une forme d’hybridation électrique.

Et puis il y a le “vieux” rival de toujours, Ferrari, qui semble très proche de Lamborghini dans sa façon d’aborder le futur. L’hypercar LaFerrari a démontré que la firme possédait la technologie pour marier de gros moteurs atmosphériques avec l’électrique. C’était d’ailleurs déjà le cas en 2010 lorsque la 599 HY-KERS expérimentale fut dévoilée. Il semble bien que, comme Lamborghini, Ferrari souhaite proposer de gros V12 le plus longtemps possible, et cela en les mariant à la puissance électrique.

Cette image et ci-dessous à droite : le concept Ferrari 599 HY-KERS. Ci-dessous : le concept Audi e-tron Vision Gran Turismo. en bas à droite : le concept Mission E préfigurant le Taycan.


 

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Par Pat Panick
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